Comment les médecins peuvent-ils encourager les personnes atteintes d’épilepsie à pratiquer une activité physique ?

L’exercice a aidé Vinay Jani, étudiant à Delhi, à gagner en force et à perdre du poids. En 2005, il a commencé à avoir des crises d’épilepsie. Les crises n’étaient pas contrôlées et M Jani est tombé en dépression. Il a cessé de faire de l’exercice et a repris plus de la moitié du poids qu’il avait perdu.

Après un séjour à l’hôpital à la suite d’une crise d’épilepsie, M Jani est retourné à la salle de sport. Comme il avait encore des crises, il a demandé à ses amis de veiller sur lui pendant ses séances d’entraînement.

Ses crises ont été contrôlées pendant un certain temps, puis sont réapparues. Il a changé de neurologue, essayé de nouveaux médicaments et a finalement subi une intervention chirurgicale. Pendant toute cette période, il a fait de l’exercice. Ses séances à la salle de sport l’ont amené à faire du vélo en salle, ce qui l’a conduit au vélo d’endurance en plein air. Il y a quelques années, il a ajouté la course à pied à son programme.

Aujourd’hui, M Jani est un cycliste d’endurance, un marathonien et un défenseur des patients atteints d’épilepsie qui encourage toutes les personnes touchées par l’épilepsie à être physiquement actives, pour des raisons de forme physique, mais aussi pour des raisons sociales et émotionnelles.

« Souvent, les gens s’isolent lorsqu’ils reçoivent un diagnostic d’épilepsie », explique M Jani. « Ils n’ouvrent pas leur cœur. Ils commencent à vivre seuls. S’ils sortent pour faire de l’exercice, quel qu’il soit, ils rencontreront des gens et pourront se libérer de leur stress. »

Recommandations de l’ILAE sur l’exercice physique

Des études suggèrent que faire de l’exercice améliore la condition physique, l’humeur, la pensée et la mémoire, ainsi que la qualité de vie globale des personnes atteintes d’épilepsie – autant d’avantages qui s’appliquent également aux personnes non épileptiques. Mis à part dans de rares cas (épilepsie réflexe induite par l’exercice), l’activité physique n’augmente pas le risque de crises. Cependant, des études ont montré que les personnes atteintes d’épilepsie sont moins actives que la population générale, qu’elles ont tendance à se percevoir comme étant en mauvaise santé et qu’elles ont objectivement une moins bonne condition physique que les personnes sans épilepsie d’après les tests musculaires.

Les personnes atteintes d’épilepsie ont souvent été privées de faire du sport et de l’exercice, généralement par peur, surprotection et ignorance des bénéfices et des risques spécifiques associés à ces activités. Nombre d’entre elles peuvent également éviter l’activité physique en raison de ces mêmes craintes et perceptions erronées.

En 2015, le groupe de travail de l’ILAE sur le sport et l’épilepsie a publié un rapport donnant des conseils sur les sports et les types d’exercices considérés comme sûrs, en fonction de la fréquence et du type de crises.

Jaime Carrizosa et Ricardo Arida ont récemment mené une enquête auprès de neurologues latino-américains pour évaluer leurs connaissances sur l’importance de l’activité physique chez les personnes atteintes d’épilepsie, ainsi que leur connaissance du rapport de l’ILAE.

« Ce qui nous a surpris, de manière positive, c’est que la plupart des neurologues connaissent les bénéfices de l’exercice physique pour l’épilepsie », a déclaré le Pr Arida, de l’Université fédérale de São Paulo, au Brésil.

Plus de 90% des neurologues interrogés sont favorables à l’activité physique pour les personnes atteintes d’épilepsie et reconnaissent que l’exercice peut réduire les comorbidités. Mais seuls 40% d’entre eux connaissaient les recommandations de l’ILAE, et 35% ont déclaré n’avoir aucune information sur les activités physiques pour les personnes atteintes d’épilepsie.

« C’est une chose d’être conscient des bénéfices de l’exercice, et une autre d’en discuter avec un patient et de le prescrire ou de le recommander », a déclaré Jaime Carrizosa, professeur de neurologie pédiatrique à l’Université d’Antioquia, à Medellín, en Colombie. « Combien d’entre eux expliquent à leurs patients qu’il est important de pratiquer une activité physique 3 à 5 fois par semaine pendant un certain temps ? Ou n’en parlent-ils que si le patient le demande ? »

Les chercheurs ont effectué une revue de la littérature sur l’activité physique et l’épilepsie, a déclaré le Pr Carrizosa. « Nous avons trouvé moins de 42 personnes ayant fait l’expérience d’une association entre l’exercice physique et les crises d’épilepsie, sur plus de 30 ans de littérature de recherche », a-t-il expliqué. « Je dirais que dans plus de 99,5% des cas, il n’y a pas de lien. »

Idées reçues sur l’exercice physique

« Je pense qu’il y a beaucoup d’idées reçues sur l’exercice chez les personnes atteintes d’épilepsie, ce qui est problématique », a déclaré Hailey Briglia Alexander, neurologue à Wake Forest Baptist Health à Winston-Salem, en Caroline du Nord, aux États-Unis. « J’estime que le fait que les personnes qui s’occupent de patients épileptiques ne soient pas au fait des connaissances actuelles est un problème. »

Les personnes atteintes d’épilepsie peuvent avoir peur de faire de l’exercice, ou les membres de leur famille peuvent avoir peur de les laisser faire. Selon la Dr Alexander, il est nécessaire de disposer de plus d’informations et d’améliorer la communication entre les médecins et les patients.

« Nous ne savons pas vraiment de quel genre de peur il s’agit », a-t-elle précisé. « Peur de se blesser lors d’une crise ? Peur d’être gêné ou humilié ? Peur que les autres ne sachent pas quoi faire en cas de crise ? Les professionnels de santé peuvent aider à dissiper toutes ces craintes, mais nous devons en parler. »

Pour les médecins qui manquent de temps, la Dr Alexander suggère de proposer un document sur l’exercice physique et l’épilepsie ou d’orienter les patients vers le site internet de la Fondation pour l’épilepsie qui comporte une section sur l’exercice.

La Dr Alexander a souligné que certaines personnes atteintes d’épilepsie présentent des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire qui peuvent les rendre plus vulnérables que la population générale. Bien que certains de ces facteurs de risque ne puissent être contrôlés, l’activité physique peut améliorer la santé cardiovasculaire des personnes atteintes d’épilepsie, tout comme elle le fait pour les autres.

« Si les professionnels de santé attendent que les patients posent des questions sur la pratique d’exercice physique, il se peut que cela ne se produise jamais », a-t-elle dit. « D’après mon expérience, les patients n’abordent presque jamais le sujet. C’est peut-être différent en pédiatrie où les parents peuvent poser des questions à ce sujet, mais chez les adultes, on ne me pose pas souvent la question. »

« L’exercice est peut-être quelque chose que nous devrions encourager », a-t-elle déclaré. « Il ne s’agit pas seulement de répondre aux questions posées lors de la consultation si cela se présente, mais d’engager la conversation à ce sujet et d’encourager la pratique d’exercice physique, tout comme nous conseillons les gens sur l’importance d’un sommeil adéquat ou sur la régularité de la prise des médicaments. »

Recommandations du groupe de travail de l’ILAE sur l’exercice physique : un résumé

  • Les personnes n’ayant pas eu de crises depuis au moins 12 mois et celles dont l’épilepsie est résolue* peuvent participer à tout type d’exercices ou d’activités physiques.
  • À l’exception des personnes atteintes d’épilepsie réflexe induite par l’exercice, toute personne épileptique peut participer aux activités du groupe 1**.
  • La plupart des personnes atteintes d’épilepsie peuvent participer aux activités du groupe 2**; certaines devraient consulter un neurologue avant de commencer.
  • Les activités du groupe 3** sont généralement interdites aux personnes souffrant de crises persistantes, mais certaines activités peuvent être envisagées, avec des restrictions, à la discrétion du neurologue.

*L’épilepsie résolue est définie comme l’absence de crises depuis au moins 10 ans et l’absence de prise de médicaments antiépileptiques depuis au moins 5 ans.

**Voir les tableaux pour les listes d’activités par groupe et pour les recommandations spécifiques.

 

Faire face aux peurs

Le médecin peut faire la différence en répondant aux craintes des patients par le biais de conversations.

Sports et exercices classés par groupes - cliquez pour agrandir
Sports et exercices classés par groupes – cliquez pour agrandir

« Les médecins peuvent influencer la décision d’un patient d’être plus actif physiquement ou de commencer un programme d’exercice », a déclaré le Pr Arida. « Ils peuvent aider les patients à se sentir plus confiants pour faire de l’exercice et discuter des activités dans lesquelles ils pourraient être plus à l’aise. »

Il est également important d’aborder la question de la peur d’avoir une crise d’épilepsie pendant l’exercice.

« Pour les personnes dont la maladie est bien contrôlée, cette crainte n’est pas réaliste », précise Jane Allendorfer, professeure agrégée de neurologie à la Heersink School of Medicine de l’Université de l’Alabama, à Birmingham, aux États-Unis. « Entendre cela de la part d’un médecin, quelqu’un qu’ils considèrent comme un conseiller médical, serait vraiment utile : Vous n’avez pas de crises ; Rien ne vous empêche de faire de l’activité physique.»

Il existe d’autres obstacles à l’activité physique chez les personnes atteintes d’épilepsie :

  • L’accès à un lieu sûr et approprié pour faire de l’exercice, telle qu’une salle de sport ou un sentier de randonnée ;
  • L’accès et la disponibilité d’activités de groupe ;
  • Le coût des abonnements, des cours, du transport ou de l’équipement ;
  • La dépression et l’anxiété, qui peuvent rendre difficiles l’initiation et la poursuite d’exercice physique ;
  • La peur d’être stigmatisé par une crise d’épilepsie en public.
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Recommandations d’exercice physique en fonction des caractéristiques du patient – cliquez pour agrandir

« Certaines personnes souhaitent faire du sport avec d’autres personnes, mais ne trouvent pas le moyen de le faire », a déclaré le Pr Carrizosa. « Ou bien, elles ont l’occasion d’en faire mais ont peur ou honte à cause de leur épilepsie. Elles ne veulent pas révéler qu’elles souffrent d’épilepsie et cela les empêche de s’engager. »

Bien que la stigmatisation puisse dissuader les gens de faire de l’exercice, l’exercice peut contribuer à réduire la stigmatisation et renforcer la défense de ses propres intérêts. M Jani dit qu’il a parlé ouvertement de sa maladie à ses amis qui fréquentaient la salle de sport afin qu’ils puissent l’aider à faire de l’exercice en toute sécurité. Lorsqu’il a commencé à faire du vélo en plein air, son entraîneur et ses coéquipiers étaient au courant de sa maladie et ont appris ce qu’il fallait faire s’il avait une crise d’épilepsie. Lorsqu’il a rejoint un club de course à Delhi, il a indiqué au groupe qu’il était épileptique et qu’il aurait besoin de quelqu’un pour l’accompagner.

Avant son opération, M Jani avait des auras, ce qui lui permettait d’arrêter son activité et d’alerter quelqu’un. En 15 ans, il ne se souvient que d’une seule crise survenue au cours d’une activité physique ; elle s’est produite alors qu’il faisait du vélo en plein air. « Lorsque j’ai eu l’aura, j’ai arrêté mon vélo et j’ai informé mon coéquipier », a-t-il dit. « Mes coéquipiers gardent mes médicaments avec eux. »

Quels types d’activités sont sans danger ?

« Si vous n’avez pas de crises, rien ne devrait vous arrêter », a déclaré la Pr Allendorfer. « Le risque de blessure est le même que pour n’importe qui d’autre. Si vous avez des crises, il faut être prudent en fonction du type de sport ou d’exercice que vous pratiquez. »

Les tableaux de cet article sont reproduits avec des modifications mineures du rapport de consensus de l’ILAE.

Ce que montre la recherche

Des recherches récentes sur l’activité physique chez les personnes atteintes d’épilepsie ont révélé des améliorations de la qualité de vie et de la santé cardiovasculaire. Certaines études utilisant la surveillance EEG ont montré que les décharges épileptiformes interictales diminuaient au cours de la période post-exercice.

Les essais d’activité physique contrôlée chez les personnes atteintes d’épilepsie sont complexes. La Pr Allendorfer a récemment mené une étude pilote sur les effets de l’exercice sur la cognition. Les participants à l’étude ont suivi des séances de musculation, ainsi que des exercices sur un vélo couché d’intérieur. Au cours du programme de six semaines, les participants se sont rendus sur le site de l’étude trois fois par semaine pour un entraînement supervisé.

« La mémoire est le principal problème cognitif des personnes atteintes d’épilepsie, et il n’existe pas de pilule pour améliorer la fonction de la mémoire », a-t-elle précisé. « Dans notre étude, il y eu des améliorations dans l’apprentissage verbal et dans la mémoire de reconnaissance verbale dans le groupe qui a fait de l’exercice, et un léger déclin dans le groupe qui n’en a pas fait. »

La Pr Allendorfer a constaté des changements dans la connectivité fonctionnelle de l’hippocampe à l’IRM en corrélation avec les changements dans l’apprentissage verbal et la mémoire. Elle mène actuellement un essai contrôlé randomisé pour explorer davantage les effets de l’exercice sur la cognition.

« Les personnes qui ont participé à l’étude pilote étaient vraiment reconnaissantes et encouragées de pouvoir faire autant d’exercice qu’elles ont fait », a-t-elle expliqué. « Ils ont travaillé dur ! Par la suite, nous avons pu leur donner les caractéristiques de leur séance d’entraînement : ce qu’ils ont fait pendant l’étude, les réglages de toutes les machines de la salle de sport et les intervalles, de sorte qu’ils peuvent maintenant entrer dans n’importe quelle salle de sport et savoir ce qu’ils font. »

De multiples avantages

L’entraînement en salle de sport n’est pas accessible à tout le monde, mais chacun peut commencer quelque part, a déclaré M Jani. « Les gens peuvent s’impliquer dans n’importe quel type d’activité physique qui leur convient. Ils peuvent aller marcher ou courir, ils peuvent faire du yoga. De plus, l’exercice physique permet de socialiser, de sortir et de rencontrer des gens pour faire de l’exercice ensemble. »

Il est important de se souvenir de l’impact d’un mode de vie sain, a déclaré le Pr Carrizosa. « On parle beaucoup des nouvelles technologies, des nouveaux médicaments, des opérations chirurgicales, etc., mais on ne parle pas assez de ce que les gens peuvent faire dans la vie de tous les jours, comme faire de l’exercice », a-t-il précisé. « C’est quelque chose que l’on peut faire dans le monde entier, où que l’on soit, et qui a un impact considérable. Je pense donc qu’il est important d’accroître la sensibilisation. »

RESSOURCES

Capovilla G., et al. (2016). Epilepsy, seizures, physical exercise, and sports: A report from the ILAE Task Force on Sports and Epilepsy. Epilepsia 2016; 57: 6-12. 

Arida RM, et al. (2022). Neurologists’ knowledge of and attitudes toward physical exercise for people with epilepsy in Latin America. Epilepsy Behav 2022 Jun;131(Pt A):108705.

Staying safe with exercise and sports (patient information): Epilepsy Foundation of America

Fitness and exercise with epilepsy: Epilepsy Foundation of America

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Fondée en 1909, la Ligue internationale contre l’épilepsie (ILAE) est une organisation mondiale avec plus de 120 sections nationales.

En promouvant la recherche, l’éducation et la formation pour améliorer le diagnostic, le traitement et la prévention de la maladie, ILAE œuvre pour un monde où la vie de personne n’est limitée par l’épilepsie.

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